FAITS 
        Le 12 fevrier 1839 une ordonnance 
          royale autorisa M. Teissier à établir sur le cours de 
          Gapeau près de Solliès-Toucas un pont et un barrage ou 
          écluse pour, au moyen des eaux dérivées, mettre 
          en jeu un moulin à blé, à charge de rendre les 
          eaux à la rivière à 287 mètres 20 centimètres 
          de distance du barrage. 
          Pour apprécier le résultat de ces travaux sur le cours 
          naturel des eaux de la rivière, il est nécessaire d'exposer 
          brièvement quelques observations. 
          En remontant de l'usine Nègre, vers Belgentier, la vallée 
          va toujours se resserrant, le Gapeau est à peu près un 
          torrent à pente et avec des sinuosités très prononcées, 
          aussi, sur un parcours d'environ 5 kilomètres, peut-on compter 
          8 barrages ou écluses plus ou moins élevés. Il 
          faut remarquer que le cours des eaux attaque de préférence 
          la rive gauche, où pour maintenir certains ouvrages et notamment 
          la route départementale, il a fallu des murs de soutènement 
          et de défense assez élevés ; les anciens lits comme 
          les graviers et les terres d'alluvion se trouvent donc sur la rive droite 
          où l'on voit aussi des masses de tufs poreux et crevassés, 
          se laissant comme les graviers eux-mêmes facilement traverser 
          par les eaux 
          N'est-il pas certain que les sept barrages supérieurs à 
          celui de M. Nègre, et celui-là aussi, ont dû nécessairement 
          altérer profondément le débit des eaux de la rivière, 
          que ces eaux ainsi violentées par les écluses et les nombreuses 
          sinuosités ont dû au moins à chaque barrage s'extravaser 
          en partie, traverser les masses de tuf, les graviers et les terrains 
          d'alluvion déposés au fond de son ancien lit et sur les 
          bords de son lit actuel, suivre souterrainement la pente de la vallée 
          et revenir inférieurement au lit de la rivière, d'où 
          ces nombreux barrages supérieurs les avaient extravasées. 
          On n'a pas oublié dans la contrée, qu'avant le barrage 
          Nègre, peu en dessus, comme en dessous de son fond et sur plusieurs 
          points, de nombreuses infiltrations revenaient à la rivière, 
          et contribuaient puissamment à alimenter la première écluse 
          (de la ferrage) et aussi la grande écluse dite de Messieurs. 
          Depuis la construction du barrage Nègre ces infiltrations ont 
          disparu, mais les eaux revenaient à la rivière par le 
          canal de fuite du nouveau moulin. 
          L'état des choses va complètement changer, M. Teissier 
          fait construire son écluse et son pont et comme les crues avaient 
          emporté son premier pont et sa première écluse, 
          il dut, en les reconstruisant, creuser d'autant plus profondément 
          leurs fondations, ainsi que celles de leurs épaulements que, 
          par mesure de précaution, il dut prolonger très avant 
          à travers les terres sur les deux rives. 
          Là ne se bornèrent pas les travaux, M. Teissier fit creuser 
          transversalement à la vallée une profonde tranchée 
          sur une longueur d'environ 80 à 90 mètres et dût 
          nécessairement relier aux épaulements de son écluse 
          les profondes fondations des murs de soutènement de cette tranchée 
          Est-il besoin de se demander en l'état de tous ces travaux ce 
          que pouvaient devenir les eaux provenant des extravasions produites 
          par les 7 à 8 écluses supérieures existant comme 
          nous l'avons dit sur un parcours d'environ cinq kilomètres, et 
          ce que pouvaient devenir toutes les diverses infiltrations à 
          travers les graviers, les tufs crevassés, etc. Toutes ces eaux 
          furent arrêtées par le barrage, par les épaulements 
          et par la longue et profonde . tranchée transversale. Le cours 
          des eaux souterraines de la rivière fut intercepté ; les 
          eaux s'accumulèrent en amont de ces travaux et finirent enfin 
          par se créer une nouvelle issue pour reprendre leur ancien cours 
          et revenir à la rivière, non plus comme autrefois sur 
          divers points, mais par le canal de fuite du moulin (1). 
          C'est ainsi que fut créée la prétendue source Nègre. 
          Nous trouverons ci-après dans certaines clauses de l'acte du 
          2 mai 1870, par lequel le sieur Nègre a vendu sa prétendue 
          source au sieur Brun, clauses dont nous transcrirons les termes littéraux, 
          la confirmation de cette induction; pour réduire à zéro 
          la prétendue source, il suffirait de pratiquer au dessus une 
          tranchée pareille, toujours transversalement à la vallée, 
          et à une profondeur suffisante il y a certitude, que l'on couperait 
          et que l'on arrêterait toutes les eaux, et c'est ce que les trois 
          communes intéressées ne manqueront pas de faire si, chose 
          toutefois improbable, on leur en fait une nécessité, les 
          propriétaires des jardins et des terres arrosables de La Crau 
          et d'Hyères, joindraient sans doute leurs efforts aux nôtres 
          pour réaliser ce résultat, et dans ce cas quel profit 
          retirerait la ville d'Hyères de son aventureuse et énorme 
          dépense? 
          Poursuivons : M. Teissier, ruiné par la création de son 
          usine, fut exproprié par M. Gautier, son créancier, qui 
          s'en rendit adjudicataire et offrit peu à près de vendre 
          à la commune de Solliés-Pont, au prix de trois mille francs, 
          les eaux de cette prétendue source ; la municipalité, 
          convaincue que ces eaux n'appartenaient pas à l'usine, mais à 
          la rivière, et que M. Gautier n'en avait que l'usage déterminé 
          par l'ordonnance royale précitée, refusa de les acheter. 
          M. Gautier continua donc de rendre par le canal de fuite toutes les 
          eaux à la rivière. 
          Quelque temps après M. Gautier revend l'usine à M. Nègre 
          père, les choses restent en l'état; devenu minotier après 
          la mort de son père, M. Nègre, ne se contente pas du moulin 
          acquis à bonnes conditions (M. Aubert de la Castille, nous a 
          assuré, avoir refusé d'acheter de M. Gautier au prix de 
          onze mille francs,) M. Nègre, disons-nous, exalte sa prétendue 
          source, bat et fait battre la grosse caisse partout à l'effet 
          d'en vendre les eaux : Toulon d'abord, renseigné sur la nature 
          et la provenance de ces eaux reconnues de même nature que celles 
          de Gapeau, refuse de les acheter. Le chemin de fer, après bien 
          des tâtonnements, les refuse aussi; enfin la commune de Solliès-Pont, 
          dans l'intérêt de la paix publique, pour prévenir 
          des conflits et des. procès dispendieux, se décide à. 
          mettre un terme à toutes ces agitations, car l'opinion vivement 
          émue dans nos campagnes par suite des années de sécheresse 
          que nous venions de traverser, et de l'extrême pénurie 
          d'eau qui en était résulte, redoublait d'inquiétude, 
          en apprenant de temps à autre que M. Nègre cherchait à 
          vendre les eaux soit au chemin de fer, soit au sieur Brun et Maurel 
          de la ville d'Hyères ; A l'effet donc de calmer, de rassurer 
          toutes ces vives et profondes émotions, comme aussi pour prévenir 
          des complications, des conflits, dispendieux devant l'autorité 
          administrative et judiciaire, la commune de Solliès–Pont 
          achète de M. Nègre toutes les eaux qui peuvent traverser 
          ou naître sur son fond au prix de vingt mille francs. Le conseil 
          municipal et les plus forts imposés sont convoqués pour 
          délibérer sur un emprunt au crédit foncier de trente 
          mille francs, dont vingt mille pour l'achat Nègre et dix mille 
          pour couvrir un arriéré de pareille somme. 
          Dans une première réunion, les plus forts imposés 
          trouvèrent l'emprunt de 30 mille francs exagéré, 
          toutefois la délibération fut renvoyée à 
          quinzaine on voulut sans doute pressentir l'opinion publique, qui plus 
          émue et plus inquiète que jamais, manifesta le désir 
          d'en finir une fois pour toutes, et de s'assurer des eaux d'une manière 
          absolue et définitive; l'emprunt de vingt mille francs seulement 
          et l'achat des eaux, quelle que fut leur provenance, furent donc autorisés 
          dans une seconde délibération. 
          Ici nous devons répondre à deux objections qui nous ont 
          déjà été faites ; la première n'est 
          pas fameuse : ces eaux litigieuses ne vous sont pas si nécessaires 
          puisqu'on vous les a offertes et que vous les avez refusées, 
          nous répondons : elles nous sont si nécessaires, si indispensables 
          que nous les avons achetées et que nous les aurions payées, 
          bien que nous soyons tous convaincus que ces eaux, loin d'être 
          la propriété de M. Nègre, sont une dépendance 
          de la rivière et comme telles, appartiennent aux usagers des 
          trois communes ; et que la réunion des plus fort imposés 
          n'avait fait, en achetant, qu'assurer la paix publique, prévenir 
          des complications et consentir dans cette pensée un sacrifice 
          accepté de la population. 
          Voici la seconde objection : elle détruit pour ainsi dire la 
          première, puisque vous avez acheté les eaux, vous avez 
          reconnu les droits et la propriété de M. Nègre 
          sur ces eaux. 
          Les raisons qui ont déterminé ce marché sont brièvement 
          exposées ci-dessus ; assurer avant tout l'arrosage quoique insuffisant 
          de nos 411 hectares et des jardins de Solliès-Pont et rassurer 
          les 630 propriétaires qui les possèdent, assurer aussi 
          l'alimentation de nos fontaines, qui pendant les trois mois d'été, 
          juillet, août et septembre, ne peuvent se passer des eaux souterraines 
          bouleversées encore par les nouvelles fouilles de M. Négre 
          ; sauvegarder la salubrité publique pour la population de Solliès-Pont 
          si rudement éprouvée par le choléra de 1865. C'étaient 
          là de puissantes considérations qui naturellement conseillaient 
          l'espèce de transaction intervenue entre M. Nègre et la 
          commune de Solliès-Pont, l'intérêt de la salubrité 
          publique à lui seul aurait commandé le sacrifice. Gapeau, 
          en effet, traverse la commune du nord au sud, son lit au nord et au 
          sud est contenu par deux écluses, la nappe d'eau presque stagnante 
          formée par la seconde écluse est bien au centre de l'habitation 
          et reçoit les résidus des importantes tanneries Gence 
          et Boyer, si on enlève les eaux de la rivière, il y aura 
          donc au centre du pays un foyer d'infection. Il fallait donc, de manière 
          ou d'autre, prévenir une si dangereuse éventualité,et 
          moyennant le sacrifice de vingt mille francs tous ces grands intérêts 
          étaient sauvegardés 
          Mais qu'arrive-t-il ? Dans l'intervalle des deux délibérations 
          : Le sieur Brun arrive-t-il de Wuissons, son domicile (Seine-et-Loire), 
          sur les brisées de la commune ? Non ! il envoie sa procuration 
          au sieur Roux. M. Nègre est circonvenu et se résigne à 
          vendre au sieur Roux, mandataire du sieur Brun, ces mêmes eaux 
          qu'il a déjà vendues, par acte sous-seing privé 
          à la commune de Solliès-Pont,et cela sans sommation ni 
          mise en demeure, sans la moindre formalité, sans même prévenir 
          le maire avec lequel M. Nègre a traité. 
          M. Nègre devait pourtant s'estimer très heureux d'obtenir 
          vingt mille francs dans de telles conditions,mais les deux spéculateurs 
          Roux et Brun lui ont offert dix mille francs de plus. L'acte passé, 
          ils se hâtent de faire enregistrer et transcrire de manière 
          que notre acte privé ne peut aujourd'hui leur être opposé. 
          M. Nègre était si peu assuré de ses droits sur 
          les eaux qu'il vendait deux fois à deux acquéreurs différents, 
          qu'il exige expressément dans le second acte que les sieurs Brun 
          et Roux soient chargés à leurs périls et risques 
          de tous les procès et sans doute des dommages-intérêts 
          auxquels à tout événement M. Nègre ne pourrait 
          échapper. Mais M. Nègre peut-il dormir tranquille et faire 
          grand fond sur cette garantie et la solvabilité de l'acquéreur 
          ? Nous examinerons bientôt l'acte du 2 mai 1870 constatant cette 
          vente : M. Nègre ne viole-t-il pas la condition essentielle imposée 
          à sa concession de rendre les eaux à la rivière 
          ? Cette concession ne doit-elle pas être révoquée 
          par le pouvoir souverain qui l'a octroyée ? Nous faisons toutes 
          réserves expresses de nous pourvoir à cet effet devant 
          l'autorité compétente. 
          Le spéculateur et consorts se mettent immédiatement à. 
          l'oeuvre, ils tentent de former une compagnie pour l'exploitation de 
          l'entreprise, publient des prospectus imprimés et le tarif de 
          leurs concessions futures aux particuliers, font publier le tout à 
          son de trompe dans plusieurs communes, ils parviennent à trouver 
          quelques rares abonnés, voilà tout. 
          Mais comme les administrations précédentes de la ville 
          d'Hyères, qui ne le cédaient en rien en intelligence et 
          en dévouement à l'administration actuelle, avaient toujours 
          repoussé l'extravagant et ruineux projet de conduire à 
          Hyères ces eaux qui y arrivent déjà par le canal, 
          comme nous le prouverons jusqu'à l'évidence, projet considéré 
          par la partie saine et intelligente, nous pourrions dire par la majorité 
          de la population, comme inutile, aventureux, ruineux, sans résultat 
          profitable, les spéculateurs reportèrent leurs espérances 
          vers des temps meilleurs. Un peu de chantage n'en continua pas moins, 
          et quelques articles sur Hyères , résidence d'hiver , 
          tentèrent de faire mousser un peu l'affaire. 
          Ces temps leur paraissant venus, ils ont remis l'affaire sur le chantier, 
          appuyés cette fois sur la majorité de deux voix dans le 
          conseil municipal (présents 18 conseillers : 10 voix pour, 8 
          voix contre). Ils vont solliciter un décret d'utilité 
          publique, et l'autorisation d'exécuter les travaux nécessaires 
          par voie d'expropriation aux termes de l'article 2 de la loi du 3 mai 
          1841. Examinons ce projet : 
          Nous sommes ici obligés de faire une rapide incursion dans les 
          affaires de la ville d'Hyères, mais seulement ,bien entendu,dans 
          le but d'éclairer le gouvernement protecteur né des grands 
          intérêts généraux, et ce, concurremment avec 
          de nombreux et très intelligents notables de cette ville. 
          Le sieur Brun, acquéreur de la prétendue source, est domicilié 
          à Wuissons (Seine-et-Oise), c'est de Paris qu'il envoie sa procuration 
          notariée au sieur Roux pour traiter avec le sieur Nègre, 
          l'acte du 2 mai 1870, dans lequel Roux agit comme mandataire de Brun, 
          porte que le prix total de 30 mille francs sera payé au plus 
          tard dans les trois mois, à dater du 2 mai 1870, et nous trouvons 
          dans l'acte du 22 août 1870, que le sieur Roux n'a payé 
          que cinq mille francs. Le prix a-t-il été soldé? 
          nous l'ignorons, mais le fait mérite un sérieux examen. 
          Les 25 mille francs restant seront-ils payés des deniers de la 
          commune ? 
          La commission, du conseil municipal, chargée d'étudier 
          l'affaire, a dû préalablement demander communication de 
          l'acte de vente de la prétendue source ; elle y aura sans doute 
          lu cette clause extraordinaire, insolite de la part d'un vendeur qui, 
          en règle générale, doit toujours garantir l'objet 
          qu'il vend, lors surtout qu'il vend à une commune. 
          « La vente faite par M. Nègre, est-il dit dans l'acte de 
          vente du 2 mai 1870, est consentie sans garantie de sa part autre que 
          celle des droits qu'il a sur la source en vertu des titres de propriété 
          sus-énoncés, droits qu'ils transmet simplement à 
          l'acquéreur sans garantie du débit actuel et futur 
          de ladite source, M. Nègre n'entendant être recherché 
          en rien par suite n'importe quel prétexte et par qui que ce soit, 
          M. Roux obligeant son mandant à relever et garantir M. Nègre 
          de tout recours, frais et déboursés. » 
          Et plus bas : "M. Nègre s'interdit en outre de démolir 
          son écluse". 
          Que signifient ces deux clauses? Le bout de l'oreille ne perce-t-il 
          pas ici? Ne pourrait-on pas dire que c'est la nimia precautio du jurisconsulte 
          romain? Elles prouvent évidemment que l'un ne veut pas garantir 
          les eaux qu'il a vendues, et qui ne sont- autres que les eaux de Gapeau 
          que l'on pourra facilement couper et ramener à la rivière, 
          et que celui qui les a achetées défend qu'on démolisse 
          l'écluse Nègre qui contribue à emprisonner les 
          eaux latérales de la rivière et à en créer 
          une prétendue source, voilà les deux innocents créateurs 
          de cette prétendue source, ces deux clauses nous serviront puissamment 
          à obtenir la démolition de l'écluse Nègre. 
          M. Brun, domicilié à Wuissons (Seine-et-Oise), n'est pas 
          à coup sûr un riche capitaliste ; au terme convenu, expiré, 
          il n'a pu payer qu'un acompte de cinq mille francs ; voudrait-il embrouiller 
          sa spéculation dans une société anonyme et mettre 
          en circulation de nombreuses actions pour le mieux de ses intérêts 
          et pour mieux bouleverser la contrée ? Nous serions tentés 
          de le croire, car une voix dans le conseil municipal a recommandé 
          de ne pas effrayer les capitalistes et le sieur Brun n'est sans doute 
          pas à Paris seulement pour faire une procuration notariée 
          au sieur Roux. 
          Nous verrions alors se renouveler l'affaire du Bagas et M. Brun, ni 
          la ville d'Hyères n'ignorent que malgré tout, le décret 
          d'utilité publique n'est pas si facile à obtenir quand 
          i1 s'agit seulement de déplacer des eaux parfaitement utilisées. 
          Et c'est pour des eaux si incertaines, auxquelles vendeur et acquéreur 
          n'ont pas même confiance, que la ville d'Hyères s'imposerait 
          les sacrifices énormes dont nous allons parler. 
          Nous savons d'abord qu'il a été question de douze mille 
          francs à titre d'encouragement, de 45 mille francs pour prix 
          de la source et frais d'acte, d'une subvention annuelle de 60 mille 
          francs pendant cinquante ans, moyennant quoi, Brun s'obligerait à 
          conduire à Solliès-Farlède toutes les eaux Nègre, 
          soit environ 12 mille mètres cubes d'eau par 24 heures, dont 
          Brun en réserve pour lui 8 mille mètres à la Farlède, 
          parce qu'il s'appelle Brun, et 4 mille qu'il devra rendre à Hyères 
          à la place St-Paul, dont encore 500 mètres pour les besoins 
          municipaux et 3,700 pour être vendus aux arrosants de concert 
          avec la commune. 
          Si les finances de la ville d'Hyères étaient dans un état 
          florissant, on concevrait à peine qu'en l'état des deux 
          clauses de la vente précitée et de l'incertitude sur la 
          nature et la propriété des eaux, elle put s'aventurer, 
          coopérer et prêter la main à une entreprise pareille, 
          car M. Nègre sait très bien, et tous les ingénieurs 
          qui ont visité les points d'émergence des eaux ont constaté 
          qu'elles peuvent être coupées, et elles le seraient même 
          avant la fin des travaux, quelle serait dans ce cas la garantie offerte 
          parle sieur Brun pour assurer la fidèle exécution de ses 
          obligations? 
          Nulle part nous n'avons entendu parler du moindre cautionnement de sa 
          part, en numéraire ou en hypothèques sur des immeubles 
          sûrs et solvables. 
          L'eau venant à manquer, les trois quarts de la dépense 
          réalisée seraient une perte sèche pour la ville 
          d'Hyères. 
          Même dans le cas où l'entreprise s'annoncerait sous des 
          auspices plus favorables, conviendrait-il à cette ville, vu ses 
          embarras financiers, de s'y aventurer ? 
          L'énorme subvention annuelle de 60 mille francs pendant 50 ans 
          resterait à peu près toute entière à sa 
          charge, car elle ne peut guère compter sur le débit aux 
          particuliers d'eau, qu'ils trouveront nécessairement trop chères, 
          on a beau calculer, ce sera toujours de 2 à 3 millions qui sortiront 
          partiellement et annuellement, il est vrai, de la bourse des habitants, 
          ne faudra-t-il pas ensuite canaliser et créer les conduites pour 
          les fontaines projetées, construire, édifier ces fontaines 
          et toutes ces énormes dépenses, lorsque la ville a déjà 
          un passif de 533 mille francs, que son dernier budget se solde par un 
          déficit de 29 mille francs, que les habitants payent déjà 
          42 centimes additionnels, et sont tellement accablés, écrasés 
          de taxes et de surtaxes d'octroi que diverses agglomérations 
          ne négligeront rien pour se séparer de la commune et faire 
          cause à part, et elles auront parfaitement raison. 
          Lorsqu'en outre enfin, pour la translation urgente, inévitable 
          de son cimetière, et les avenues et autres travaux accessoires 
          aux gares des chemins de fer que la loi met à la charge des communes, 
          cette même ville aura à faire encore et sous peu des dépenses 
          très considérables. 
          Vraiment, l'imagination la plus intrépide recule forcément 
          devant une telle entreprise, lorsque, au point de vue seulement des 
          intérêts de la ville d'Hyères, il est certain : 
          I ° Qu'elle annihilerait l'arrosage des terres de La Crau, des beaux 
          jardins et des terres arrosables de la ville d'Hyères. 
          2° Qu'elle annihilerait aussi, du moins pendant l'été, 
          la force motrice des beaux moulins à blé de cette ville 
          qui en a racheté si sagement, mais si chèrement la bannalité. 
          3° Lorsqu' enfin Nègre vendeur n'a pas voulu garantir le 
          débit de la source et pour cause, et qu'au dire de tous les ingénieurs 
          qui ont visité les lieux, la prétendue source peut être 
          coupée au moyen d'une simple tranchée en amont du fond 
          Nègre, sur les terres que la commission générale 
          des eaux de Solliés-Pont et de Solliès-Ville a achetées 
          depuis près de 15 ans. 
          (1) Marseille, renonçant 
          aux flots troubles et terreux de la Durance, a le projet de réunir 
          les eaux épurées des infiltrations latérales de 
          cette rivière pour les amener à Marseille au lieu et place 
          des eaux actuelles, et il s'agit ici de 4 mètres cubes d'eau 
          par seconde...   | 
    
     
      Fontaines 
          de la ville d'Hyères 
         Examinons un instant les ressources 
          en eaux potables que possède actuellement la ville d'Hyères, 
          eaux qui ont suffi jusqu'ici aux besoins de la population, et demandons-nous 
          si dans tous les cas, un simple appoint ou supplément aux eaux 
          actuelles, que l'on pourrait se procurer à fort peu de frais, 
          ne suffirait pas et largement aux besoins réels de la population. 
          Hyères possède actuellement 5 fontaines alimentées 
          par la mère source dite l’Ermitage 1° celle des Palmiers,2° 
          du Portalet, 3° de la Gavotte, 4° de la place de la Rade et 
          5° du Bon Puits. N'oublions pas le trou de Peyron si rapprochée 
          de la ville, source qui débite l'hiver un volume de 5 à 
          6 centimètres de diamètres et l'été de 3 
          à 4 centimètres. 
          Il y a en outre le Bon Puits qui, de mémoire d'homme, n'a jamais 
          manqué d'eau, le puits qui se trouve dans l'avenue du repos au-dessus 
          du cimetière et qui pendant l'été est très 
          utile à ce quartier. 
          Dans la vallée derrière le château, la source appelée 
          l’Umine fournit l'eau aux habitants de la haute-ville pendant 
          les années de grande sécheresse, ou si, pour cause de 
          réparation, la roue élévatoire ne fonctionne pas. 
          Enfin, en eau non potable, mais très utile à tous autres 
          besoins domestiques, le canal en fournit surabondamment, et s'il était 
          bien entretenu, si surtout on faisait à l'écluse établie 
          au confluent du Petit Réal et de Gapeau les réparations 
          dont elle a un besoin urgent, on pourrait sans inconvénient en 
          dévier un fort volume au dessus de l'usine à Gaz, l'amener 
          à la roue élévatoire, la rendre aisément 
          potable au moyen d'un filtre peu compliqué, ces eaux n'étant 
          que des eaux déjà filtrées à travers nos 
          terres arrosables, et faire couler ainsi de nombreuses fontaines. 
          Telles sont d'après des renseignements que nous devons croire 
          exacts les ressources actuelles de la ville d'Hyères. 
          Admettons cependant qu'elles sont insuffisantes, bien que la population 
          s'en soit contentée jusqu'ici : faut-il pour combler cette insuffisance, 
          amener à Hyères par monts et par vaux une rivière 
          toute entière ? Un simple appoint ou supplément en eaux 
          potables que l'on peut rendre très abondant, et comparativement 
          à très peu de frais, ne suffirait-il pas largement aux 
          vrais besoins de la population? et ce, sans déplacer des eaux 
          qui reçoivent même à Hyères une destination 
          d'utilité bien plus générale, mais en y employant 
          des eaux qui ne servent à rien. - 
          Qu'il nous soit permis à cet égard, toujours dans l'unique 
          but d'éclairer le gouvernement de donner quelques indications 
          . 
          La montagne de Coudon est très riche en eaux ; il a suffi- à 
          1a commune de la Garde, de creuser une modeste tranchée un peu 
          au dessus du fond Morizot pour amener dans cette commune l'eau qui alimente 
          une fontaine à 4 tuyaux et qui pourrait en fournir à six 
          tuyaux. 
          Sur un autre point peu éloigné du premier, M. Sanson, 
          par ce moyen, a créé une assez belle fontaine au château 
          de son épouse. 
          Des fouilles autrement importantes et mieux dirigées par des 
          "hommes de l'art fourniraient des eaux plus que suffisantes à 
          ces nouvelles fontaines ; n'en voit-on pas de nombreuses aux campagnes 
          qui longent précisément la route d'Hyères à 
          Toulon, à Château-Redon appartenant à M. Madon avocat, 
          au château des hoirs Morizot, et à d'autres campagnes inférieures, 
          n'y a-t-il pas des eaux jallissantes, à un niveau bien suffisamment 
          élevé et sans que la main de l'homme y ait trop contribué. 
          Dans la plaine au dessus comme au dessous de Solliès-Farlède, 
          n'y a-t-il pas une nappe d'eau considérable ? La Fontone, dont 
          le nom indique la présence de l'eau, est encore sur les bords 
          de la route départementale de La Farlède à Hyères. 
          Les fontaines de Jérusalem, la Font des Fabres, ne prouvent-elles 
          pas la présence de l'eau partout dans cette plaine dont l'inclinaison 
          assez prononcée se dirige précisément vers Hyères 
          ; n'est-on pas sûr de trouver sur ces divers points l'eau à 
          une altitude suffisante pour alimenter les nouvelles fontaines projetées. 
          Signalons aussi la belle source de M.Thomas au terroir de La Garde qui 
          arrose actuellement 4 à 5 hectares, et qui ne coûterait 
          certainement pas trop cher. 
          Enfin sur des points plus rapprochés, au quartier du Gré, 
          propriété Riondet, se trouve l'ancien lit de Gapeau très 
          riche en eau, et la source Trou de Peyron dont nous avons déjà 
          parlé, on pourrait facilement, au moyen d'une roue élévatoire, 
          créer et alimenter de nouvelles fontaines qui ne coûteraient 
          pas le quart de l'entreprise Brun. 
          Devons-nous signaler aussi les sources de Flayosc qui suffisent à 
          faire marcher sur un point inférieur un moulin à blé 
          : Là il y aurait surabondance d'eau, mais l'inconvénient 
          d'altérer le débit du canal actuel de la ville d'Hyères, 
          mais comme d'ailleurs le projet présente à un degré 
          bien plus élevé ce même inconvénient, bien 
          mieux vaudrait encore conduire à Hyères les eaux de Flayosc, 
          on économiserait au moins la moitié du parcours et plus 
          de la moitié de la dépense, les propriétaires pour 
          conserver leur arrosage, loin d'être récalcitrans se montreraient 
          bons princes et très conciliants. 
          La ville d'Hyères peut donc se procurer facilement l'appoint 
          ou supplément en eaux potables largement suffisantes aux besoins 
          de sa population, sans aller quérir ces eaux si incertaines à 
          15 kilomètres, avec des frais énormes et sans bouleverser 
          la vallée de Gapeau depuis Solliès-Toucas jusqu'à 
          l'extrémité méridionale des terres arrosables de 
          la commune d'Hyères. 
          Jetons un rapide coup d'oeil sur le côté dommageable de 
          la spéculation Brun, et du projet des fontaines d'Hyènes. 
          Voici la série des dommages et des résultats désastreux 
          que l'entreprise entraînerait inévitablement : 
          1° Les fontaines publiques de Solliès-Pont, en possession 
          d'une partie des eaux convoitées n'en débiteraient plus 
          pendant l'été la quantité nécessaire aux 
          besoins de la population ; 
          2° Le lit de Gapeau serait à peu près mis à 
          sec sur une assez vaste étendue et notamment sur la partie qui 
          est au centre de la ville de Solliès-Pont que la rivière 
          traverse du nord au sud ; le peu d'eau qui resterait, contenue au nord 
          par l'écluse Ventre, au sud par l'écluse Sochet, entre 
          lesquelles sont rejetés les résidus des importantes tanneries 
          Gence et Boyer, formerait au centre même de la ville un véritable 
          foyer pestilentiel, dangereux au premier chef pour la santé d'une 
          population d'environ trois mille habitants : malheur à cette 
          population si ce projet venait à se réaliser même 
          partiellement. — Le choléra foudroyant de 1865 n'est-il 
          pas encore présent à la mémoire de tous? En 48 
          heures, 58 personnes foudroyées, mortalité d'une année, 
          en huit jours mortalité de deux années ; le second jour, 
          arrivée du Sous-Préfet annonçant l'envoi de trois 
          médecins de première classe de la marine; le troisième 
          jour, arrivée de dix forçats pour l'enterrement des cadavres 
          entassés au cimetière : notons que, dès le second 
          jour, il ne restait pas à Solliés plus de 200 habitants 
          ; tout le reste, 19 conseillers sur 21 avaient fui épouvantés 
          (2). 
          (2) Je tiens ces renseignements, 
          en quelque sorte officiels, de M. Dollieule, lieutenant de vaisseau 
          en retraite, dont je connaissais la belle conduite et le courageux dévouement 
          dans ces circonstances calamiteuses : simple conseiller municipal, il 
          sut prendre résolument en mains les rênes de l'administration, 
          et au moyen d'un emprunt contracté personnellement, de concert 
          avec un autre citoyen, organiser et assurer tous les services publics.  | 
    
     
      Veut-on connaître 
        les causes qui ont rendu ce choléra si exceptionnellement meurtrier 
        ? Le rapport de la commission médicale présidée par 
        le Sous-Préfet, celui rédigé par les trois médecins 
        de première classe de la marine s'accordent à affirmer que 
        ces causes sont : la rivière, le peu d'eau qui s'y trouve pendant 
        l'été, et à cette époque néfaste le 
        cours de Gapeau n'avait pas subi la moindre altération ! Quels 
        désastres l'habitation n'aurait-elle pas à redouter si la 
        spéculation Brun et les projets de la ville d'Hyères venaient 
        à se réaliser? Poursuivons : 
        3° Les eaux convoitées contribuent puissamment au fonctionnement 
        de douze belles usines, dont la force motrice serait à peu près 
        annihilée pendant les basses eaux, et nos six beaux moulins à 
        blé, ont pourtant rendu et peuvent rendre encore de grands services 
        pour les approvisionnements de farine aux armées de terre et de 
        mer, comme lors des guerres de Crimée et d'Italie ; tout comme 
        les six moulins à huile sont indispensables aux besoins agricoles 
        de la contrée; 
        4° Les eaux convoitées contribuent en outre dans des territoires 
        extrêmement morcelés, et ce depuis des siècles, à 
        l'arrosage de nos 411 hectares de prairies, des jardins de Solliès, 
        et notons même qu'en l'état, toutes ces terres arrosables 
        souffrent énormément pendant les basses eaux ; consultez 
        leurs 630 propriétaires, ils vous diront tous, que la moindre réduction 
        de leurs eaux serait ruineuse pour eux ; 
        5° Enfin, ces eaux convoitées vont mettre en jeu les beaux 
        moulins à farine de la villed'Hyères, et contribuent aussi 
        à l'arrosage d'environ deux à 300 hectares aux terroirs 
        de la Crau et d'Hyères et notamment à l'arrosage des beaux 
        jardins de cette ville. Le projet Brun, s'il était réalisé, 
        mettrait à peu près à sec pendant l'été 
        le grand canal actuel, comme nous le prouverons séparément 
        ci-après. 
        A côté de cette série abrégée de résultats 
        désastreux pour nos trois communes, pour la Crau, et surtout pour 
        la commune d'Hyères elle-même qu'entraînerait le déplacement 
        des eaux convoitées, car ici, comme pour le Ragas, il ne s'agit 
        que d'un déplacement d'eaux; placez par la pensée le projet 
        fantaisiste d'aller chercher à 15 kilomètres environ et 
        avec une dépensé énorme, des eaux qui arrivent déjà 
        à Hyères depuis des siècles. 
        Et ce, pour donner à cette ville un appoint ou supplément 
        en eaux potables qu'elle peut si aisément et à bien moins 
        de frais se procurer sur dix points différents.  Utilité 
          publique. 
         Marseille dérive de la 
          Durance 4 mètres cubes d'eau par seconde, sans causer préjudice 
          à personne ; 
          Cannes dérive de la Siagne 2 mètres cubes d'eau par seconde, 
          mais son entreprise n'a que légèrement altéré 
          la force motrice de quelques usines inférieures pendant les basses 
          eaux seulement, leurs propriétaires qui avaient d'abord fait 
          quelque opposition au projet s'en désistèrent. 
          L'on sait les immenses avantages que Marseille et même Cannes 
          ont retirés de ces beaux volumes d'eau, amenés dans leur 
          sein et sur leur territoire, on conçoit facilement que dans de 
          telles conditions, l'utilité publique ait été décrétée 
          d'autant plus indiscutable que ces travaux si utiles ne portaient préjudice 
          à personne. 
          Le spéculateur Brun et la ville d'Hyères se trouvent-ils 
          dans des conditions analogues ? 
          II s'agit de conduire à Hyères, non 4 mètres cubes, 
          soit 4 mille litres par seconde comme Marseille, non 2 mètres 
          cubes, soit 2 mille litres par seconde comme Cannes, mais 46 litres 
          par seconde, soit 4,000 mètres cubes par 24 heures : sur ces 
          4, 000 mètres cubes, 500 mètres seulement seront affectés 
          au service spécial des besoins municipaux. 
          Les 3,700 mètres cubes restant rentrent dans la spéculation 
          Brun. En résumé, d'après le projet, on veut dériver 
          12 à 13 mille mètres cubes du cours de Gapeau, pour en 
          consacrer 300 seulement aux besoins municipaux ; c'est environ le 1/40 
          des eaux dérivées. Les 39/40 restant constituent donc 
          la spéculation; ce qui réduit l'eau employée aux 
          besoins municipaux à environ 3 litres 1/2 par seconde, ajoutons 
          que dans le projet on ne tient nul compte des eaux de toute nature que 
          la ville possède actuellement. 
          Et c'est pour un si triste résultat que le sieur Brun et consorts, 
          et la ville d'Hyères elle-même viendraient bouleverser 
          toute la contrée, toute la vallée de Gapeau depuis Solliès-Toucas 
          ! 
          Et malgré ses embarras financiers signalés cl-dessus, 
          la ville prêterait la main à une telle entreprise, et oserait 
          s'aventurer dans les dépenses énormes que son exécution 
          entraînerait bien au-dessus, comme d'habitude, des plans et devis 
          sans doute dressés à cet effet 
          Le faible avantage d'avoir à Hyères quelques fontaines 
          de plus, fontaines que l'on peut facilement trouver ailleurs et à 
          bien moins de frais, est-il proportionné à la dépense, 
          ruineuse surtout en l'état de ses finances, de ses 42 centimes 
          additionnels, de ses taxes et surtaxes d'octroi et enfin aux perturbations, 
          aux dommages si considérables de toute nature que nous venons 
          de signaler ? 
          La négative nous parait si évidente, que nous en sommes 
          convaincus, la ville d'Hyères renoncera à son funeste 
          projet, que dans tous les cas, l'autorité supérieure lui 
          refusera son concours et l'autorisation nécessaire, et que le 
          Conseil municipal et les plus forts imposés, mieux renseignés, 
          refuseraient au besoin de s'y associer. 
          C'est par l'état comparatif des avantages et des dommages résultant 
          d'une entreprise qu'on peut élucider la question d'utilité 
          publique. 
          Ici, la somme des dommages est immense, l'utilité insignifiante, 
          presque nulle; que l'on se rappèle Nègre, vendeur, refusant 
          de garantir le débit actuel et futur de sa prétendue source, 
          et l'acquéreur lui interdisant de détruire son barrage 
          ou écluse, que tous les ingénieurs ont affirmé 
          que la prétendue source peut être coupée, que ces 
          eaux sont identiques à celles de Gapeau, et tous seront plus 
          qu'étonnés que la faible majorité de deux voix 
          ait entraîné la ville d'Hyères dans une entreprise 
          si aventureuse et si dispendieuse tout à la fois, majorité 
          formée peut-être de quelques nouveaux débarqués 
          qui, ne possédant rien à Hyères, n'auront guère 
          à contribuer à la dépense. 
          Les privilèges sont de droit étroit, il faut bien se garder 
          d'en étendre la portée ; le privilèges d'arracher 
          à un père de famille malgré sa volonté une 
          simple parcelle de son champ, est un privilège exorbitant contre 
          le droit de propriété que le législateur a entouré 
          de tant de garanties, ce privilège exorbitant, l'autorité 
          ne doit l'accorder que dans des cas exceptionnels, et pour de grandes 
          considérations d'intérêt public. Le savant jurisconsulte 
          Pufendorfs, livre 8, chapitre 5, § 7, a résumé en 
          quelques mots les principes de la matière. 
          « Il ne faut pourtant pas, dit-il, donner une trop grande étendue 
          aux cas d'utilité publique, il faut en tempérer les privilèges 
          AUTANT qu'il est possible par les règles de l'équité. 
          » 
          A la faveur de ces principes et des considérations ci-dessus, 
          nous avons la ferme. espérance que le gouvernement n'accordera 
          pas aux entrepreneurs le décret d'utilité publique, que 
          les eaux convoitées continueront, comme par le passé, 
          d'être consacrées au mouvement de nombreuses usines, et 
          à l'arrosage des terres des cinq communes qui en jouissent depuis 
          des siècles; car l'oeuvre projetée, loin d'être 
          une oeuvre d'utilité publique, serait une oeuvre de perturbation 
          générale et de dommages publics. 
           
          Toulon, le 24 avril 1872 
         Casimir ARÈNE , 
          Ancien Avocat, Propriétaire 
          aux terroirs de Solliès-Pont et de Solliès-Ville, 
          Ancien président de la Commission des eaux de Solliès-Pont 
           
           
          | 
    
     
      Provenance 
          des eaux qui alimentent l'écluse 
          et le canal actuel de la ville d'Hyères 
         Des allégations plus ou 
          moins hasardées, mais toutes erronées paraissent avoir 
          été lancées dans la population hyéroise 
          et pour cause, et même dans le sein du conseil municipal ; on 
          a dit : les eaux viennent de Mounache, qui est inférieur d'un 
          kilomètre au moins à l'écluse d'Hyères, 
          un autre prétend que les eaux viennent de Cuers, et de la Castille, 
          mais il oublie de dire d'où viennent les eaux, qui après 
          avoir mis en mouvement les roues hydrauliques de la minoterie de M. 
          Aubert, se rendent à l'écluse et au canal d'Hyères. 
          Nous devons faire disparaître toutes ces assertions erronées 
          en invitant leurs auteurs à suivre nos explications, nous les 
          convions même à venir avec nous en contrôler la véracité 
          sur les lieux. 
          Débarrassons-nous d'abord des eaux de Cuers. 
          Cette ville a un faible cours d'eau au Nord près les dernières 
          maisons, il s'appelle, je crois, Mayepan, il coule du nord-ouest au 
          sud-est et va se jeter près le domaine de Sigaloux dans le Réal 
          Martin (vallée de Sauvebonne), aucune espèce d'eau ne 
          peut venir de ce côté à Solliès. 
          Reste le Petit Réal, torrent parfois terrible l'hiver, mais très 
          pauvre en eau pendant l'été, car depuis la limite des 
          terroirs de Cuers et de Solliès, jusqu'à l'écluse 
          de Beaulieu, c'est-à-dire sur une étendue de plus de deux 
          kilomètres, ce torrent est complètement à sec pendant 
          l'été. 
          Nous voilà débarrassé des eaux de Cuers qui a le 
          malheur d'en avoir bien peu pour les besoins de son agriculture. 
          Arrivons aux eaux de nos arrosages qui, seuls avec les eaux pluviales 
          toutefois, alimentent l'écluse et le canal actuel de la ville 
          d'Hyères ; on sait que cette écluse est établie 
          au confluent du Gapeau et du Petit Réal, et qu'elle en dérive 
          les eaux réunies dans le canal qui les amène à 
          Hyères. 
          Quatre écluses principales dérivent les eaux de Gapeau, 
          ce sont les suivantes : barrages mobiles de la Ferrage, grande écluse 
          seigneuriale dite de Messieurs, écluse des Sauvans et enfin celle 
          de la Garrejades; nous n'avons pas à nous occuper des neuf ou 
          dix autres qui après la mise en jeu des usines rendent les eaux 
          à la rivière. 
          Ces quatre écluses déversent toute l'année nuit 
          et jour sur nos 411 hectares aux terroirs de Solliès-Pont, Solliès-Ville 
          et Solliès-Farlède, possédées par 630 propriétaires, 
          et même pendant l'hiver, les eaux dérivées de la 
          rivière qui, répétons-le, sont bien insuffisantes 
          l'été pour un arrosage régulier. 
          Peut-on se faire une juste idée de l'énorme masse d'eau 
          qui se forme par infiltration à travers les anciens lits de Gapeau, 
          les couches de gravier, et de terrains tout d'alluvion reposant partout 
          sur une forte couche continue de roche, grès, étanche 
          imperméable ; territoire encaissé à l'ouest par 
          la rivière de Gapeau et à l'est par le Petit-Réal, 
          dont la même roche gré forme invariablement les lits. 
          A cette masse d'eau répandue toute l'année nuit et jour, 
          l'hiver comme l'été, ajoutons par la pensée l'appoint 
          résultant des eaux pluviales, et l'on ne sera plus étonné 
          si, en amont de nos arrosages, on ne trouve pas une source, d'en trouver 
          de si nombreuses et de si abondantes qui, seules, nous ne saurions trop 
          le répéter, alimentent le canal actuel de la ville d'Hyères. 
          Nous allons le prouver. 
          Suivons à l'est le Petit Réal dont le lit, sur un parcours 
          de plus de deux kilomètres, est complètement à 
          sec l'été jusqu'aux approches de l'écluse de Beaulieu. 
          Depuis cette écluse jusqu'à celle d'Hyères, on 
          ne trouve aucune source sur la rive gauche, soit du côté 
          des collines grès qui sont à l'est. 
          Elles sont au contraire nombreuses, abondantes, sur la rive droite et 
          même à niveau du sol dans les plaines de Beaulieu, c'est-à-dire 
          du côté de nos arrosages; et l'eau de toutes ces sources 
          tombant dans le Petit-Réal va contribuer à alimenter le 
          canal actuel de la ville d'Hyères. 
          Revenons à Gapeau; dans le rapide mémoire que je redigeai 
          en quelques heures en 1858, j'ai dû me borner à combattre 
          les prétentions de certains usagers du quartier de Guiran qui 
          voulaient aussi nous dépouiller d'une partie de nos eaux et m'arrêter 
          à l'écluse de la Garrejade. 
          Partons de cette écluse et même de Solliès, si l'on 
          veut; sur la rive droite de Gapeau on ne trouve pas une source, bien 
          que le quartier arrosant de la Ferrage soit de ce côté, 
          mais le terrain, loin d'être terrain d'alluvion, est compacte 
          et argileux. 
          En suivant cette rive droite jusqu'à l'écluse d'Hyères, 
          on ne trouve non plus aucune source. Examinons maintenant la rive gauche 
          de Gapeau : 
          Après l'écluse de la Garrejade, qui absorbe complètement 
          pendant l'été le dernier filet d'eau qui reste à 
          la rivière, on trouve à quelques dizaines de mètres 
          l'écluse de Bassinet qui l'été ne dérive 
          plus rien, aussi M. Escudier, pour sa fabrique d'huile, a-t-il eu recours 
          à une machine à vapeur. 
          Depuis cette dernière écluse, comme on peut le voir sous 
          le pont du hameau des Daix, le lit de Gapeau est complètement 
          à sec pendant l'été. 
          D'où viennent les eaux, qui à la distance d'environ 2,500 
          mètres alimentent l'écluse de la Castille que M. Aubert 
          a construite depuis quelques années, eaux qui concurremment avec 
          les eaux de la Jonquiére, dont nous parlerons bientôt, 
          vont mettre en mouvement la belle minoterie de M. Aubert? 
          Elles proviennent exclusivement des infiltrations souterraines de nos 
          arrosages aux quartiers des Sauvans, Luquet et Penchier, de Sarraire-la-Tour 
          et Cadouire, infiltrations qui seules peuvent produire les nombreuses 
          sources qui se trouvent sur la rive gauche de Gapeau du côté 
          de nos arrosages, et notamment les belles sources de Flayosc qui à 
          elles seules font marcher le moulin à farine de ce nom (à 
          m. Escudier). 
          Si on continue l'examen de cette rive gauche jusque peu après 
          la fin des terres arrosables, on ne trouve plus- la moindre source, 
          ni sur la rive gauche, ni sur la rive droite, n'est-ce pas là 
          la confirmation complète de la démonstration, que les 
          sources signalées sur la rive gauche de Gapeau ne proviennent 
          absolument et exclusivement que des infiltrations de nos arrosages. 
          Si on veut une démonstration:plus complète, la voici : 
          Lorsqu'il y a environ 12 à 15 ans, de concert avec le quartier 
          des Sauvans, nous fîmes encaisser de murs, le grand canal des 
          Sauvans, large de 1m,60, qui avant sa division, traverse ma propriété 
          au quartier de la Tour, il fallut nécessairement lever la vanne 
          de décharge, arrêter toutes les eaux dérivées 
          par l'écluse et les rejeter à la rivière. 
          Eh bien, peu après le commencement des travaux et tant que durèrent 
          les travaux, les belles sources de Flayosc. ne débitèrent 
          presque plus d'eau, tarirent pour ainsi dire vers la fin, de plus tous 
          les puits des campagnes inférieures furent mis à sec, 
          de là nombreuses plaintes de leurs propriétaires qui venaient 
          souvent recommander d'accélérer les travaux.. 
          Ces travaux finis, la vanne de décharge remise en place et les 
          eaux, comme par le passé, répandues jour et nuit sur les 
          prairies, les puits et les sources de Flayosc furent largement approvisionnés. 
          Donc évidemment toutes les sources qui sont sur la rive gauche 
          de Gapeau ne peuvent aussi provenir que des infiltrations de nos arrosages. 
          |