Je vais reproduire
ci après, à titre d'illustration, quelques passages
essentiels (après la page 414), relatifs Ci dessous
un extrait de la carte Cassini de 1778 qui vous montre l'état
des lieux à cette date. |
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"Les
deux bandes de terre ou isthmes qui conduisent à la presqu'ile
de Giens y circonscrivent un vaste étang salé appelé
les Pesquiers, Peschiers, ou Pêcheries, communiquant avec la rade
d'Hyères, par un canal principal appelé le Gras, qui existe
encore aujourd'hui. Cet étang de forme allongée du nord
au sud, mesurait environ cinq kilomètres de longueur, avant l'établissement
des nouveaux salins et deux kilomètres de largeur; sa superficie
était d'environ 1000 hectares. |
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Ces
deux étangs ne dépendaient pas de la seigneurie de Giens,
telle qu'elle était possédée par la maison de
Glandevez. Cette seigneurie se bornait seulement à la terre
de la presqu’île et aux petits îlots du voisinage.
En effet, la jouissance de ces étangs fut donnée par
les souverains de la Provence, par concessions spéciales et
successives, à la communauté d'Hyères. D'abord,
la reine Jeanne 1er, lors de son voyage dans le pays, en 1348, lui
fit cession de l'étang-Long, moyennant la somme de 100 florins.
Cette cession fut confirmée par le roi René, en 1438,
en même temps qu'il concédait aussi aux habitants d'Hyères,
la jouissance de l'étang des Pesquiers, sous la réserve
« du sizain » (sixième), par tête de poissons
royaux ». |
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En
l'année 1537, le 7 mars, licence fut donnée à la
communauté d'Hyères, « de tenir les étangs
et pêcheries situés sûr son territoire et d'y pêcher
», avec investiture, a son profit, du droit de sizain sur les
poissons. Mais peu d'années après, par acte du 29 juillet
1544, cette investiture fut révoquée pour être restituée
de nouveau à la Communauté, en 1557 ; sans qu'il nous
soit possible d'expliquer ces variations. Dans la suite des temps, le
droit de sizain fit retour au Domaine royal pour toujours ; car ce droit
fut perçu par l'administration domaniale, jusqu'en l'année
1840, où il fut vendu par adjudication publique, en la Sous-Préfecture
de Toulon, à un particulier, M. Alexis Riondet. Outre le canal du Gras, on avait pratiqué, sur d'autres points, des ouvertures ou canaux, qui étaient au nombre de deux, en 1688, pour permettre, comme cela avait lieu par le canal principal le Gras, l'entrée de l'eau de la mer dans les étangs. Sur ces canaux, on avait établi des appareils appelés Bourdigous ou Bourdigues, consistant en des espèces de claies ou rateliers en roseaux mobiles, au moyen desquels on permettait à volonté, à l'époque du frai, l'entrée du poisson de la mer dans les étangs, d'où la sortie lui était empêchée par les mêmes appareils. Ces bourdigues formaient une importante dépendance des étangs, car c'était par eux qu'ils étaient approvisionnés de poissons. |
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Il
en résulta, qu'à partir de 1689, la propriété
des Pesquiers se trouva appartenir pour les deux tiers à la communauté
de la ville d'Hyères, et pour l'autre tiers à ses créanciers
optants. Quant au revenu, il était partagé entre le Roi
d'abord, pour son droit de sizain sur la pêche, et, pour le reste,
entre la Communauté et les créanciers optants, au prorata
de leurs droits; c'est-à-dire, deux tiers à la Communauté
et un tiers aux créanciers. A ce sujet, on trouve dans le mémoire
adressé par le Maire et les Consuls d'Hyères, à
l'Intendant de Provence, en 1698, des observations intéressantes
sur l'état des pêcheries, étangs, bourdigues et
leurs dépendances, à cette époque. Il y est dit
que : «Ce domaine est ruiné et va dépérissant tous les jours, par les inondations et les débordements de la rivière de Gapeau, et des cours d'eau qui découlent des montagnes voisines; lesquels ont presque comblé tout l'étang, où les bourrdigues sont posés et le comblent toujours davantage. Les poissons n'y entrent plus ou ne s'y arrêtent pas, comme ils faisaient, par le défaut et le manque de fond, Il en résulte qu'on ne peut plus arrenter le domaine, à un prix qui puisse payer la moitié de ce qui est dû aux créanciers ; et, qui plus est, on ne trouve plus même à arrenter les bourdigues, parce que n'y ayant pas de fond ni d'eau à l'étang, on le voit geler entièrement tous les ans, depuis l'année 1690, et les poissons mourir et entrer en putréfaction; ce qui cause ensuite de grandes infections dans le pays.» |
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L'étang
dont il est parlé ici et qui avait subi une si grande détérioration,
c'est l'Étang-Long ou Petit-Etang, avec la partie Nord de l'étang
des Pesquiers ou Grand-Etang, qui lui est contiguë; c'est-à-dire,
là où se trouvaient établis les bourdigues. En
effet, dans un autre endroit du rapport des Consuls, il est dit que
« le Petit-Etang est déjà
comblé, en sorte qu'il n’est plus praticable et que le
Grand-Etang est plus qu'à demi comblé ».
Les anciens bourdigues devinrent de plus en plus insuffisants, en raison
de ce qui vient d'être exposé, de telle sorte que plus
tard, il fut nécessaire d'en établir d'autres, comme nous
le verrons. Nous avons vu que, dans leur rapport de 1698, les Consuls d'Hyères signalaient le mauvais état dans lequel se trouvaient l'étang des Pesquiers et ses bourdigues. Pour remédier à une semblable situation, on fit venir de Martigues, un maître pêcheur, nommé Couture, qui fut chargé de réparer les bourdigues et même d'en construire de nouveaux, si c'était nécessaire. Il s'acquitta de ce travail à la grande satisfaction de l'Administration municipale qui l'en récompensa généreusement; ce qui le décida à se fixer dans le pays où ses descendants résident encore. |
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Ainsi
l'on voit par une délibération du Conseil général
de la Communauté. du 9 juin 1767 que, «
cette année-là, les pluies très abondantes de l'hiver
avaient occasionné de fréquents débordements du
Gapeau. La quantité d'eau qui avait envahi l'étang des
Pesquiers fut telle, qu'elle produisit une brêche considérable
à la Plage-de-Giens ; d'où résulta une libre et
large communication entre les eaux de l'étang et celles de la
mer, du côté du couchant. Le poisson s'échappa,
l'étang fut en partie dépeuplé ; ce qui engagea
les fermiers des Pêcheries à réclamer des propriétaires
et de la communauté d'Hyères, l'occlusion immédiate
de la brêche ». Le conseil délibéra que les réparations demandées seraient faites. Depuis la fin du XVIIe siècle, la communauté d'Hyères avait affermé la pèche des Pesquiers et le produit des terres adjacentes, par des baux de courte durée, et moyennant une rente annuelle dont le chiffre se maintint, pendant longtemps, sans variation entre 3000 et 4000 livres. Il parait que les droits des fermiers étaient peu respectés des habitants, car on voit, par une délibération du Conseil municipal, du 20 mars 1791, que le fermier Bande demanda à résilier son bail qui lui était devenu onéreux ; parce que les habitants d'Hyères se permettaient, en toute liberté, de pêcher malgré lui dans l'étang, même avec ses propres bateaux, dont ils s'emparaient avec violence. |
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Le
bail fut résilié, et par délibération du
15 janvier 1792, les bases d'un nouveau bail furent établies,
pour neuf années, « aux risques et périls du fermier,
et nonobstant la rigueur des gelées, les débordements
du Gapeau, la rupture de la Plage-de-Giens, etc. ; avec un cahier des
charges en 28 articles, imposant au fermier de nombreuses obligations
; entre autres, de creuser dans la partie des Rodons (Rhodes), un canal
de 4 toises, pour y établir un petit bourdigue ; et aussi de
pratiquer, à travers la Plage-de-Giens, un autre canal destiné
à faire communiquer la mer avec l'étang ; avec palissades
et murailles de soutènement, pont en pierres, pour le passage,
etc.; sur lequel canal, un bourdigue serait établi ». Mais
ce dernier travail ne fut jamais exécuté. La convention
portait encore « que le poisson serait vendu, au prix de 6 sols
la livre, aux habitants qui iraient le chercher à la bastide
des Pesquiers sous peine, en cas de refus du fermier, d'une amende de
12 livres. Le fermier devait en outre expédier, chaque année,
aux Maire et Officiers Municipaux, un quintal de poisson, le jour de
la fête de l'Assomption. D'autre part, la pêche, à
l'exception de celle des coquillages qui était permise, était
interdite aux habitants sous peine de 25 livres d'amende, avec saisie
du poisson, etc. |
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Les
choses se maintinrent ainsi jusqu'à nos jours (1890).
Le revenu des Pesquiers, après prélèvement du sixième
(ancien droit de sizain), appartenant au Domaine royal, était
partagé entre la ville d'Hyères, pour deux tiers et les
autres copropriétaires pour le tiers restant. En 1840, le 6 juin, par adjudication aux enchères de la Sous-Préfecture de Toulon, M. Riondet se rendit acquéreur, pour la somme de 12116 francs, du sixième appartenant à l'Etat, dans la propriété des Pesquiers et bourdigues seulement; car l'ancien droit de Sizain ne s'exerçait que sur la pèche et non point sur le produit des terres adjacentes. Enfin, l'étang des Pesquiers, avec toutes ses dépendances, fut vendu par jugement d'adjudication publique, rendu par le tribunal de Toulon, le 16 novembre 1847, à M. Emile Gérard qui, comme copropriétaire, en avait demandé et obtenu la licitation, moyennant la somme de 250000 francs, qui devait être partagée entre M. Riondet, pour un sixième, comme adjudicataire du droit de Sizain, ayant appartenu à l'État, la commune d'Hyères, pour les deux tiers environ, et quelques particuliers copropriétaires de l'Etang, pour le reste. La ventilation du prix de vente opérée, par le jugement du tribunal civil de Toulon, du 30 août 1849, alloua à la commune d'Hyères, pour sa part, la somme nette, tous frais défalqués, de 137047 francs 37. |
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Presque
aussitôt après la vente, une Compagnie à la tête
de laquelle se trouvaient MM. Emile Gérard et Chappon, convertit
la portion marécageuse des Pesquiers, en de magnifiques salines,
qui sont devenues une source abondante de produits, pour la Compagnie;
en même temps que cette opération, en faisant disparaître
les marais qui restaient, après le dessèchement de 1822,
donna à cette partie du terroir toute la salubrité désirable
; de sorte que les fièvres paludéennes endémiques
qui, même encore dans l'été de 1836, avaient sévi
avec une certaine intensité, finirent par disparaître entièrement
et le territoire d'Hyères devint un des plus salubres du littoral
de la Méditerranée." |
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"Pendant
l'hiver et le printemps, la plaine du Ceinturon est le refuge d'une
foule d'oiseaux de passage dont la chasse affermée à une
société particulière, est encore une source de
produit pour l'heureux citoyen de Genève qui en est le propriétaire. |
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Les oiseaux, refoulés peu à peu par les barques, nageaient
avec énergie vers la partie nord de l'étang, espérant
d'y être en sûreté. Mais, sur le rivage, se trouvait
une ligne de nombreux chasseurs et de curieux, les uns à pied,
les autres à cheval, qui les attendaient et guettaient leur arrivée.
Pris ainsi entre deux feux, et poussés de plus en plus par les
bateaux qui s'avançaient avec lenteur, mais sans relâche,
les oiseaux se décidaient à prendre leur vol. Alors la
fusillade commençait, soit de la part des chasseurs montés
sur les bateaux, soit de la part de ceux qui étaient échelonnés
sur les grèves. Les oiseaux, qui avaient pu échapper à cette première et terrible attaque, allaient s'abattre dans la partie sud de l'étang appelée le Cul-de-Giens », et la chasse recommençait, sur ce point, de la même manière. Les dames du pays, montées au nombre de 10 ou 12, dans de grands bateaux adroitement conduits par des bateliers habiles, suivaient à distance la chasse, aux péripéties de laquelle elles prenaient le plus vif intérêt. Elles y jouaient même un rôle actif; c'étaient elles qui recueillaient les oiseaux blessés qui, ne pouvant reprendre leur vol, se débattaient à la surface de l'eau. Tout se terminait par de gais et plantureux repas en pique-nique, pris sur la plage et qui, au dire des acteurs et témoins de l'antique chasse aux macreuses, n'étaient pas la phase la moins agréable de ces joyeuses parties de plaisir. |
Aspect des marais à l'époque de la chasse aux macreuses (2) |
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Cette chasse tomba peu à peu en désuétude, et elle cessa complètement d'avoir lieu, quand l'étang des Pesquiers devint, en 1847, une propriété particulière. Déjà, depuis assez longtemps avant cette époque, on se plaignait de la diminution, chaque année, de ces vols innombrables d'oiseaux qui autrefois fréquentaient l'étang, pendant la saison hivernale. La faute en était au défaut de surveillance des autorités et à leur faiblesse envers les braconniers, qui, sans trève ni merci, la nuit comme le jour, chassaient les oiseaux sur l'étang, et ne leur laissant aucun instant de repos, les effrayaient sans cesse et les empêchaient de s'y fixer et d'y prendre des habitudes d'existence. La chasse officielle, au contraire, n'ayant lieu qu'à d'assez longs intervalles, pendant le jour et jamais durant la nuit. Cette journée de destruction une fois passée, les oiseaux qui y avaient échappé, reprenaient, les jours suivants, leur sécurité entière et ne cherchaient pas à fuir nos parages où ils retrouvaient, pour un certain temps, le repos et la tranquillité. Les braconniers, par leurs poursuites incessantes et désordonnées, les avaient presque entièrement éloignés et, dés cette époque, la chasse aux macreuses sur l'étang des Pesquiers, qui était autrefois un des plus grands plaisirs non seulement de la population hyéroise, mais encore des étrangers de la colonie hivernale, presque abandonnée, a fini, sous l'influence des causes que nous avons indiquées, par disparaître entièrement, avec bien d'autres choses qu'il y aurait intérêt, pour tout le monde, à faire revivre." Merci M. Alphonse Denis pour
les informations précieuses qu'il nous a transmises ci-avant. (1) Collection
JL Delcroix
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