CONTENU
DU MESSAGE
"Je
suis la Source de la Vierge et je vais vous raconter ma belle
histoire. Une histoire qui ne mérite pas que je meure
inexorablement et que je tombe dans l'oubli.
Elle a commencé tout près de la mer il y a très
longtemps, si longtemps que je ne m'en souviens plus. Je crois
que ma cité s'est appelée Olbia, puis Eres, puis
enfin Hyères.
Au quartier des "Fontamous" ou je suis né,
je désaltérais les hommes et les animaux qui venaient
me rencontrer à ma sortie de terre. Puis comme j'étais
limpide et que j'avais une saveur particulière, de plus
en plus de personnes se sont intéressées à
moi. C'est ainsi que j'ai grandi petit à petit et qu'on
s'est bien occupé de moi. Plus je donnais de l'eau et
plus on me bichonnait.
Juste en dessous leur château, les habitants d'Hières
vivaient dans leurs remparts et
ils avaient bien du mal à avoir de l'eau bonne à
boire. Celle de leurs citernes les rendait souvent malades et
les trois puits communaux avaient bien du mal à satisfaire
tous les habitants. C'est dans ces moments là que certains
d'entre eux pensaient à moi et à ma bonne eau
si désaltérante.
Vers 1550, ils envisagèrent de me "capturer"
pour m'emmener jusque dans le bas de la ville. Mais ils avaient
des problèmes de "sous" pour réaliser
les travaux. Alors j'ai encore un peu profité de ma liberté.
On m'a raconté qu' en 1738, ils avaient essayé
de creuser
une mine au pied du puits de la Souquette en espérant
découvrir de l'eau en abondance. Ils ne trouvèrent
qu'un maigre filet d'eau, les pauvres.
Mais sous la pression de la population, en 1752, ils finirent
par se remettre au travail pour s'occuper enfin de moi. Alors
on me fit une belle maison afin
que je ne sois pas souillé au sortir
de ma colline. On me dirigea à l'intérieur
de tuyaux en poterie pour me faire descendre Costebelle, traverser
mon copain le Roubaud et remonter vers les fontaines des Palmiers,
du Portalet, de La Gavotte (Rue Massillon/rue
des Porches), et de la Place Royale (ou il y a l'église
Saint Louis).
Dans
ces tuyaux le voyage n'était pas trop rigolo mais en
tombant dans les fontaines avec tout ces gens joyeux autour
de moi, c'était vraiment agréable de se sentir
tant désiré.
De temps en temps, je m'échappais un peu lorsque les
tuyaux en poterie "explosaient" sous les roues des
charrettes ou de la forte pression. J'allais alors retrouver
mon copain le Roubaud. J'avais aussi une copine "la
source de La Coupiane".
Elle était venue me donner un coup de main, sur mon parcours
afin de me soulager dans les moments difficiles.
Souvent les mois d'été, j'avais du mal à
alimenter les fontaines. Alors là, les habitants me maudissaient
de ne pas leur apporter ce bien si précieux qu'est "l'eau".
Pourtant, je faisais de mon mieux !
A un moment on creusa plusieurs galeries autour de moi ainsi
qu'une cheminée d'aération afin que je puisse
faire des réserves pendant les périodes ou la
pluie me redonnait des forces. Les mois d'été
étaient bien longs et ce n'était pas suffisant.
Vers
1760, "la Source
de La Monache" fit un parcours de 11 km pour m'aider
également à alimenter 2 fontaines au pied des
remparts. Cela faisait toujours ça de moins à
fournir pour moi. Mais avec 22000 joints sur son parcours,
elle était
souvent malade à cause des fuites et aussi des racines
qui lui faisaient des misères.
Je me retrouvais encore bien seule pour satisfaire tout le monde
car la source de La Coupiane restait toute petite.
J'entendais bien parler "de la source Nègre à
Solliès-Toucas qui devait venir me donner un coup de
main, mais ça blaguait beaucoup et rien ne se décidait.
Alors
en 1864, en seulement 5 mois, on me fit construire une associée
: "le
bassin de la Vierge" appelé aussi "Citerne
de l'Ermitage". A là, ils avaient mis le paquet
pour faire de la réserve ! Vous vous rendez compte, un
ouvrage de 30 mètres de côté et 8
mètres de hauteur, tout en pierres de taille, et son
plafond en ogives fait en briques rouges !!! Que c'était
beau. Une
vraie cathédrale hydraulique avec ses 6000 m3 d'eau
..... "de mon eau". Durant l'hiver, je ne passais
plus en surverse par la porte, mais j'allais remplir ma copine
la citerne. Elle était contente que je la tienne au frais
et moi je pouvais un peu me reposer en attendant la période
où je perdrais un peu de mes forces. De temps en temps
on venait me faire une petite toilette afin d'enlever la vase
qui se déposait dans ma galerie. Pour cela, il fallait
descendre quelques marches afin
de me
rendre visite.
Mais vous savez, ces hommes, ils ont toujours besoin de plus
en plus d'eau, et même avec la citerne, les fontaines
finissaient par être à sec en été.
En 1876
ce fut la révolution. Enfin, pas la votre, mais la mienne
! Comme je n'arrivais plus à satisfaire la population,
la collectivité décida de mettre en concurrence
deux projets
afin de me remplacer, mais en me gardant un peu en secours
..... au cas ou ! Il est vrai que le "progrès"
avait vu l'arrivée du "bélier
hydraulique", et de la "machine à vapeur"
...... vous parler d'un progrès ! Que du bruit et de
la violence !! Fini l'eau qui "gazouille" et qui "chante".
C' est
une société
de Paris qui fut choisi. Elle creusa des puits au quartier
du Père Eternel, y installa des pompes à pistons
actionnées par des machines à vapeur qui remplissaient
un réservoir au quartier du Paradis (c'est pas une blague).Après
avoir posé beaucoup de tuyaux, elle installa des bornes
fontaines en dessous la place Saint Paul et les habitants furent
contents. Ils avaient l' eau presque au pied de leurs portes.
Moi j'avais toujours
mon petit boulot en alimentant mes fontaines habituelles. De
temps en temps lorsque la pompe à vapeur tombait en panne,
on se rappelait à mon bon souvenir et j'étais
toujours là pour rendre service.
En 1933, il fut décidé de me mettre à la
retraite et je fus "amputé" de tous mes bras
de distribution car avec tout ce qui se passait autour de moi,
ils trouvèrent que j'étais malade et que je n'étais
"plus potable". Les hommes savaient maintenant compter
les microbes ..... encore le progrès !
En 1935,
on me refit une beauté en nettoyant mon griffon en prévision
de la création
d'une "station hydro minérale". Il est
vrai que cela me redonna de la vigueur et l'on s'intéressa
à nouveau à moi. On m' envoya dans un laboratoire
et l'on trouva que j'étais une "eau bicarbonatée,
sulfatée, calcique et magnésienne" du plus
haut intérêt. Quel charabia pour parler de moi
! Enfin j'étais, parait-il comme un mélange d'eau
de "Vittel" et "d'Evian" ..... que je n'avais
pas le plaisir de connaître d'ailleurs ! A partir de ce
moment là, ils disait que j'étais la meilleure,
la plus belle .... enfin que des compliments ! Mais "la
guerre" arriva et ce beau et grand projet, tomba dans les
oubliettes ......... et moi aussi d'ailleurs !!!
En 1955,
j' entendis dire qu' on avait "usurpé" mon
nom pour créer une
usine d' embouteillage du côté .... de La Maunière.
Ils firent des trous profonds dans le rocher pour capturer
l' eau et la mettre dans des bouteilles en leurs donnant "mon
nom". Ca me cassa le moral !
Le temps
passa et on fit beaucoup de travaux autour
de moi sans savoir que moi ; "la Source de La Vierge",
j'étais là sous leurs pieds. Il m'arriva de plus
en plus d'eaux de ruissellement qui progressivement
en apportant leurs alluvions et déchets
remplirent ma galerie.
En 2003,
c'était l'année de la grosse sécheresse
et ma galerie était à sec. Coïncidence, à
ce moment là, un passionné d'histoire et d'eau
finit par me retrouver au milieu des ronces. Ca faisait bien
longtemps que je n'avais pas vu quelqu'un ........ qui en plus
s'intéresse à moi. Il revint peu de temps après
avec quelques copains et il leur fallut
ramper pour me
rendre visite. J'étais à nouveau heureuse.
Ils m'observaient de tous côtés
avec leurs lampes, me mesuraient, pataugeaient dans mon eau
.... et ma boue ! Ils sont même venus me faire "un
petit coucou" dans mon griffon. C'était
"le pied" ! Puis ils sont repartis avec leurs appareils
photos. la pluie bienfaitrice est revenue, ma galerie s'est
remplie à nouveau
et je me suis encore retrouvée toute seule.
Aujourd'hui,
lors des orages, je continue à avaler malgré moi
les matériaux qui m'asphyxient lentement, mais sûrement.
Pour attirer
l'attention, j'entretiens "un
mystère". Les tuyaux qui partent de ma galerie
pour aller à la citerne sont obstrués depuis longtemps
et pourtant je continue à la remplir. Même les
années de forte sécheresse, elle est toujours
passée en surverse. C'est
presque un miracle !
Dans les
cas désespérés certains envoient "une
bouteille à la mer" en espérant que cela
leur permettra d'être sauvé.
A ma façon,
je jette cette bouteille avec mon message dans "la Citerne
de l'Ermitage"; ma copine depuis longtemps. J'espère
que quelqu'un entendra mon
appel (2) et sera sensibilisé par "mon
patrimoine historique" qui remonte à
la nuit des temps.
Aura t'on
envie de me sortir de l'oubli en me redonnant la vie ??? A côté
de mon fidèle chêne et du
fond de mon griffon je vous renvois ma
lueur d'espoir !
Mes
amis, n'oubliez surtout pas ...... que " l'eau c'est la
vie ! "
signé
: La
Source de La Vierge (3)
(1) Montage photo
(2) Son original de la chute de l'eau de la source de la Vierge
dans la citerne de l'Ermitage avec la résonnance des
voutes, enregistré le 17/10/2007 à 30 mètres
de distance
(3) Texte rédigé par Michel Augias