Historique de l'assainissement
Depuis le Moyen Age .... et avant


De tout temps dans " le milieu rural ", l'évacuation des déchets en tout genre relatif à l'activité humaine et animale n'a pas posé de problème particulier. La faible quantité produite au regard de la surface disponible permettait d'utiliser ces déchets sous forme de fumier ou de compostage. Le reste pouvait être incinéré.
Dans " le milieu urbain " de l'époque, sans remonter au déluge, nous pouvons dire qu'au Moyen Age on se souciait peu de l'hygiène et la rue était le réceptacle naturel de tout ce qui gênait dans " lostal " (la maison, le chez-soi), et en particulier, les ordures ménagères et autres. Les rats trouvaient là de la nourriture abondante qui favorisait leur prolifération et la propagation des épidémies.
Les "carriero" d'autrefois, qu'elles fussent étroites ou moins étroites étaient des rues en pente plus ou moins marquée. Dans la ville haute, aux quartiers Saint-Pierre ou Saint-Paul, à Saint-Bernard ou à Saint Jean, les rues n'étaient pas pavées, si ce n'est en certains endroits par des pierres roulées, ramassées dans le lit des torrents. Elles étaient balayées par les riverains qui poussaient ordures et fumier dans quelque recoin ou à la limite de leur façade.
Elles n'étaient pas éclairées la nuit, ce qui augmentait encore le danger parce qu elles étaient souvent encombrées d'objets divers. Enfin, en cas de pluie, elles étaient souvent transformées en torrents boueux… et puants !


Latrines romaines découvertes à Pompéi
Un courant d'eau circulait sous les sièges
C'était le luxe dans la convivialité !

Quant au balayage, chacun, s'occupait du " devant de sa porte et de sa maison ", les balayeurs formaient des tas plus ou moins élevés. Si le propriétaire possédait quelque bête : mulet, âne ou chèvre, le fumier s'accumulait dans l'étable attenante ou avec les balayures.
C'est seulement quand une épidémie, et en particulier " le mal qui répand la terreur " ; la peste, était à leurs portes que les édiles et les habitants se souciaient alors de la propreté de la ville. Alors on nettoyait les rues dans tous les coins et recoins et les immondices enlevées étaient jetées dans des fosses ou " sueio" que l'on mondait de chaux vive. On soumettait à la "serrade" et au "parfum". C'est-à-dire que les habitants devaient rester chez eux, le chef de famille (ou un membre) sortant seul pour les provisions, et l'on faisait brûler dans les rues des tas de plantes aromatiques : thym, romarin, fenouil, etc.
Quand il pleuvait ( et nous savons la violence des pluies d'automne en Provence), les rues en pente de la vieille ville devenaient des torrents boueux qui emportaient tous les détritus et la terre dans les parties basses.
Alors on ébouait, on portait de la terre dans les lieux ravinés par la pluie et les gens, propriétaires d'un lopin de terre dans les collines environnantes ; les "garrigues", comme on disait, emplissaient des "couffes", des sacs, des caisses que les mulets emportaient dans les "biens" plus ou moins éloignés. Mais souvent la boue stagnait longtemps dans les lieux bas.

Du Moyen-Age au 18ème siècle

La vieille ville possède encore une rue dénommée "rue de Fanguerot", ou du Fangarot. Ce nom est très imagé ; il évoque la "fango", la boue ; et le "fangarot", comme la "fangarié", lou "fangaras" sont des tas de boue, les bourbiers.
Mais, arrivons au sujet "osé". Il s'agit du "Passo-res" ou "Passarès" dans le Var. Voici comment Mistral (Trésor du Félibrige) traduit ce mot : " Ne passe-t-il personne ? " et il le définit : " Gare dessous ", avertissement que l'on crie lorsqu'on veut jeter quelque chose dans la rue ; potée d'ordures, pot de chambre versé par la fenêtre.
L'usage des "Passo-res" existait non seulement à Hyères mais dans la plupart des villes et villages de Provence et d'ailleurs sans doute, au Moyen Age.
Quand la ménagère voulait jeter quelque chose dans la rue, elle se mettait à la fenêtre, et, après avoir crié : " Passo-res ? " elle se débarrassait alors de ce qui la gênait. Parfois, un peu pressée, elle criait l'avertissement, tout en jetant le contenu de son récipient et il pouvait arriver alors que quelque passant malheureux reçût sur la tête ou sur les vêtements... ce que vous savez.
L'usage du "Passo-res" fut interdit à une certaine époque, sans doute au XVIIe ou XVIIIe siècle. Mais les vieilles habitudes ont la vie dure, aussi malgré arrêtés et avis du "varlet de vilo" (crieur public), malgré les contraventions, il subsista de longues années encore.
Dans les villes et villages qui avaient la chance de posséder de l'eau courante les ménagères vidaient leurs pots au ruisseau ou à la rivière. D'autres favorisées effectuaient le vidage chez elles dans une sorte d'entonnoir métallique placé à l'extérieur même de la fenêtre et pourvu d'un tuyau de descente, qui s'en allait au caniveau de la rue où l'eau courante emportait le tout. Les rigoles creusées dans la chaussée ne devaient recueillir que les eaux de pluie et les " eaux ménagères ".

Récupération des excréments dans les tonneaux
Photo Giens 1900 - les vieux métiers

Nous sommes là vers les années 1600.
Mais dans les villes et villages dépourvus d'eau, notamment dans les périodes de sécheresse, les jets dans la rue ou au ruisseau étant "en principe" défendus. Il fallait donc se débrouiller d'une autre façon. Dans certains endroits, un tonneau de vidange monté sur 4 roues et traîné par un cheval passait par l'agglomération, et, à l'appel d'une clochette agitée par le conducteur, les ménagères s'approchaient avec leur seau. Ce véhicule était appelé "torpilleur" par le peuple (sans que l'on ne sache vraiment pourquoi).
A Hyères, cependant, on trouva une autre solution. Les propriétaires des maisons de la ville installèrent dans les caves ou écuries du rez-de-chaussée des cornues, grands récipients de bois avec anses, comparables aux comportes dont on se sert pour le transport du raisin, mais dont le dessus était couvert, sauf en un endroit circulaire que l'on fermait à l'aide d'un couvercle pourvu d'un manche (ou poignée) vertical.
De son côté la ville avait établi des "vidoirs" pour les gens dépourvus de cornues et quelques lieux d'aisances avec tinettes métalliques. A la fin du siècle dernier il se trouva même une compagnie privée qui fit bâtir quatre "chalets de nécessité" susceptibles d'attirer l'attention par leurs dimensions. Tous ces "chalets" ont disparu et de nombreux lieux d'aisances plus modestes ont été construits depuis par différentes municipalités.
Quant aux cornues c'était facile de les emplir peu à peu... Mais il fallait les enlever une fois pleines. Certains s'attelaient alors à une brouette et portaient le "précieux liquide" à la "garrigue" ou au "bien". D'autres de plus en plus nombreux, faisaient enlever leurs cornues pleines, moyennant une somme minime, par un jardinier ramasseur, et qui mettait un récipient vide à la place du plein enlevé.

Les informations ci-après ont été extraites du livre "Pages d'histoire d'Hyères" de Gustave Roux.

Au 19ème siècle


Dans le livre d'Alphonse Denis, "HYERES - Ancien et moderne"
(consultable à la Médiathèque d'Hyères),
nous retrouvons une description intéressante des problèmes de salubrité publique à cette époque.

Je vais reproduire ci après quelques passages essentiels (après la page 327).
En lisant ce texte, n'oubliez pas qu'il a été rédigé entre 1840 et 1860 environ.

Voila ce que nous dit Alphonse Denis sur ce sujet :

"La salubrité publique surtout, qui devrait être le premier souci de l'Autorité municipale, dans une station hivernale aussi importante que la nôtre, laisse beaucoup à désirer. ……… l'Autorité municipale qui fait surveiller ses rues et places par un commissaire de police et six agents; et qui consacre annuellement, rien qu'à l'enlèvement des immondices, la somme considérable de 3500 francs; quand autrefois cette dépense n'était que de 300 francs, et alors que, dans beaucoup de villes, la Municipalité afferme à un prix souvent élevé le droit d'enlever les balayures des rues; ce qui du reste se faisait à Hyères même, sous l'ancienne monarchie. Nous avons vu, ailleurs, en effet, que la Commune affermait au prix, assez important pour l'époque, de 200 livres par an, l'enlèvement des « escoubilles » provenant des rues principales de la ville. ………….
Hâtons-nous de reconnaître cependant que ce ne sont pas les règlements de police hygiénique qui manquent à Hyères; tous les administrateurs qui se sont succédé à la Mairie, montrant à cet égard une louable émulation, ont tenu à honneur de débuter, dans leurs fonctions, par la publication d'un règlement de salubrité publique; seulement ils ont à l'envi négligé de le faire exécuter. Nous dirons plus, et cela est à peine croyable, ils en ont eux-mêmes empêché systématiquement l'exécution, dans un mesquin et misérable intérêt de popularité malsaine. Il y a quelques années, nous plaignant au Commissaire de police de la malpropreté des rues qui avoisinent notre demeure, nous reçûmes cette réponse qui nous fut faite devant témoins : « La Mairie nous défend de dresser des procès-verbaux, et quand nous en dressons, elle les annule. » Un ancien Commissaire intérimaire nous disait, ces jours passés : « Le Maire m'a sauvent dit : Criez, tempêtez, menacez tant que vous voudrez, mais ne faites jamais de procès-verbaux. » A quoi servent alors les six agents de police qui coûtent si cher à la Ville ?. Avant 1848, la surveillance des rues et places publiques était confiée à un seul agent dont le nom mérite d'être conservé, l'ancien soldat Féraud, et la ville était propre. C'est que ce brave homme faisait son devoir, y étant encouragé par la Mairie d'alors.
Nous n'entrerons dans aucun détail relativement aux causes permanentes d'insalubrité qui existent dans la ville d'Hyères, ni sur les mesures qu'il y aurait à prendre pour les faire disparaître. Nous aurions trop à dire sur ce triste sujet. Cependant nous ne pouvons nous empêcher de signaler l'état déplorable dans lequel se trouve le Béal-des-Moulins, dans la traversée de la ville. Sur tout son parcours, depuis le quartier des Iles-d'Or, jusqu'au dernier moulin à farine, il reçoit les immondices de toute nature, eaux et résidus des cuisines, vidanges des lieux d'aisance, etc., provenant des maisons qui le bordent. Il y a plus; on a pu voir qu'autrefois on avait fait tous les efforts possibles, pour éviter le déversement, dans le Béal, des ruisseaux des rues et voies publiques.


Les éboueurs hippomobiles et le ramassage des "escolubilles"

 

 


Le vrai "torpilleur des rues" pour le vidage des "pissadous" (pots de chambre). Cette "collecte" était probablement réalisée seulement dans les rues à faible déclivité vu le poids et les possibilités de freinage de l'attelage.

Il n'en est plus ainsi, depuis quelques années. A la porte de Fenouillet, par exemple, on a fait arriver directement dans le canal, les deux ruisseaux qui amènent non seulement les eaux des rues voisines, mais encore celles des égoûts qui descendent de la ville haute. L'eau du Béal, ainsi souillée et corrompue, se rend au grand lavoir de l'avenue d'Almanarre, où les habitants de la moitié de la ville, viennent laver (?) leur linge. Nous savons que la nouvelle Administration a commencé à prendre quelques mesures pour remédier à un pareil état de choses. Nous nous empressons de l'en remercier, en la suppliant de persévérer avec fermeté dans ses bonnes résolutions.
Nous venons de voir combien les différentes Administrations municipales qui se sont succédées à Hyères, depuis trente ans, se sont montrées négligentes, faibles et même timorées, en ce qui concerne la police sanitaire; pourquoi l'Autorité communale ne s'abrite-t-elle pas derrière une Commission cantonale d'hygiène publique dont elle pourrait demander au Préfet l'institution, en vertu de l'article 3 de l'arrêté-loi du 18 décembre 1848, relatif à l'organisation des Conseils d'hygiène publique et de salubrité? Une pareille institution, qui est d'absolue nécessité partout, et principalement dans une station hivernale, rendrait, à Hyères, les plus grands services, si elle était composée — et elle pourrait l'être — d'hommes instruits, dévoués au bien public, zélés et fermes dans l'accomplissement de leurs devoirs. Nous ne saurions trop recommander à la nouvelle Administration municipale, la création d'une Commission cantonale d'hygiène publique. Pourquoi n'instituerait-on pas en outre une Commission des logements insalubres, qui pourrait être nommée directement par le Conseil municipal, en vertu de la loi des 13-22 avril 1850 « relative à l'assainissement des habitations malsaines », et qui rendrait également de signalés services, en faisant disparaître, des maisons louées, toutes les causes d'insalubrité de nature à porter atteinte à la vie ou à la santé de leurs habitants? La nomination de ces deux Commissions et leur fonctionnement assidu et consciencieux, simplifieraient singulièrement la question d'hygiène dans la ville d'Hyères. L'administration municipale, qui ne peut pas avoir la prétention de tout savoir, pourrait en recevoir des conseils éclairés et utiles qui la guideraient sûrement, dans les décisions qu'elle aurait à prendre, dans l'intérêt de la santé publique.
"