Histoire du domaine de Sainte Eulalie à Hyères
et de la famille de David-Beauregard

 


Avant le XVIème siècle, les origines de Ste Eulalie ne sont pas exactement connues, mais il est certain qu'une partie du domaine actuel était possédé par le couvent de l'Almanarre, et il existait une chapelle construite sur l'emplacement même de l'actuelle construite en 1640 et baptisée St Hilaire qui donna son nom au domaine.
Une autre partie était en terres gast, appartenant à la communauté d'Hyères, et le reste à un certain Angalier, qui en possédait en 1590 une maison dont les fondations furent retrouvées en 1943 par les troupes d'occupations.
En 1640, cette maison fut achetée par le sieur Arène , contrôleur du grenier à sel de la ville d'Hyères, qui possédait déjà une très grande propriété à Hyères s'étendant de la colline du châteauà la colline de Costebelle, et qui fit fortune dans la culture et le commerce des oranges expédiées par charrettes à Paris.

Durant quatre siècles, on assista à de nombreux mouvements de terres :
Acquisitions : Achat à Audouine, l'Apié, Mauvanne et la Jeannette, limitant le domaine des collines des Maures au Gapeau et au ravin des Borrels, puis dans un deuxième temps acquisition des terrains du Moulin 1er, appelés alors la Calissane et maintenant terrains du Golf jusqu'en 1942, enfin en 1859 acquisition du Plan du Pont.
Presque tous les achats furent réalisés au détriment de la propriété sise à Hyères.

Ventes et partages : Ce fut d'abord Mauvanne en 1803, puis le Plan du Pont vers 1860 dont l'achat avait été financé au moyen d'emprunts qui se révélèrent trop difficiles à supporter.
En 1911 la Jeannette fut vendue.
Les terrains du golf furent spoliés par l'état en 1942.
Enfin, en 1961, la pièce des Trois platanes et la Pièce Sainte ont été vendues pour les frais de partage et de constitution de la société.

ASPECTS HISTORIQUES

La famille de Beauregard n'entre en possession de Ste Eulalie qu'au XVIIIème siècle. En effet, cette famille dont la filiation certaine de père en fils remonte à 1110, est originaire du Limousin et y demeure jusqu'au XVème siècle. Des revers de fortune la contraignit à s'installer en Langedoc, près de Revel à Beauregard. Ces revers sont dus en partie aux faits de guerre. En effet, comme toutes les familles nobles, les Beauregard, s'ils n'étaient pas soumis à l'impôt, devaient fournir au roi les compagnies nécessaires. Ils ont donc recruté, équipé et entretenu les hommes d'armes qui leur étaient réclamés, et pour ce faire vendaient un morceau de patrimoine. En guise de consolation le titre de comte fut attribué au XVIIème siècle, puis de Marquis au XVIIIème, mais ce dernier ne peut être porté, car la révolution empêcha son enregistrement par le parlement.
En 1763, par un hasard bien calculé, Alexandre Aimable de Beauregard joint l'utile à l'agréable en épousant Denise de Fortia de Pilles, descendante et unique héritière de la famille d'Arène, puis vint s'installer à Hyères en 1776.
Au début du XXème siècle, le seul héritier de la branche ainée, Ferdinand de Beauregard, fils unique, est célibataire. Pour éviter le démenbrement du domaine par de nombreux héritiers collatéraux, il adopte légalement l'un d'eux, son petit neveu à la mode de bretagne, Bernard de Beauregard.
En 1925, Ferdinand de Beauregard décède alors que Bernard est encore mineur.
C'est donc le père de Bernard, Stanislas de Beauregard, qui sera maire d'Hyères, qui gèrera le domaine au nom de son fils.
Mais en 1940 Bernard meurt pour la France, laissant cinq enfants mineurs, et Stanislas décède en 1950. Il faut alors prévoir la gestion du domaine jusqu'en 1963, année où les enfants seront en mesure d'exploiter eux-même leur héritage. Les deux oncles des mineurs créent alors une société qui exploitera en fermage divers domaines en Provence, dont Ste Eulalie.
A partir des années 60, se pose le problème de l'unité du domaine puisqu'il y a cinq héritiers : un garçon est dédommagé d'une propriété dans le Berry et une soulte, une fille entre au couvent avec une rente viagère, restent deux garçons et une fille qui se constituent en société civile et nomment l'un d'eux, Hubert de Beauregard, gérant statutaire.

ASPECT S ECONOMIQUES

Jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, les terres étaient consacrées à la culture de la vigne, des céréales et oliviers.
En 1827, Auguste de Beauregard abandonne les oliviers et entreprend l'élevage du ver à soie, la culture du sorgo et de la canne à sucre. Pour ce faire il construit un moulin et un lac artificiel de plus de trois hectares. La canne à sucre prospère, malheureusement les travaux de Pasteur ne furent mis au point que plus tard, et la mélasse tirée des cannes se transforme en alcool sans valeur marchande à cette époque, et le destin ne laisse pas à Auguste le temps de perfectionner son oeuvre. Tous ces travaux coûtèrent des sommes énormes.
En 1859 Auguste meurt, laissant un fils unique Ferdinand .... et des dettes si importantes qu'il fallut vendre le Plan du Pont.
De 1859 à 1925, Ferdinand dégoûté de la culture et des revers essuyés par son père, se lance dans l'élevage des chevaux de courses et la création de l'hippodrome d'Hyères. Il y réussit parfaitement puisque "Serpentine" fut une gloire de son temps. Mais le domaine tombe en décrépitude et les sommes gagnées avec les chevaux de course sont investies dans des fonds russes !!!
En 1925, lorsque Ferdinand meurt, il n'a plus rien. Les bâtiments sont des passoires, les maigres récoltes n'assurent même pas la consommation du personnel.
Stanislas au nom de son fils Bernard, emprunte au crédit foncier pour construire une cave moderne, crée un vignoble de plus de soixante hectares, achète du matériel, et plante des arbres fruitiers. Le crédit foncier étant insuffisant pour payer tous ces investissements, Stanislas vend le Galoupet qui lui venait de sa femme Cécile de Boutiny.
La guerre de 39-45 survient et compromet le renouvellement du vignoble et du matériel ainsi que le remboursement des dettes de son fils Bernard puis de ses héritiers.
De 1950 à 1963, les oncles des enfants mineurs de Bernard, replantent trente hectares de vignes et étendent les vergers dans la plaine, grâce à l'expropriation du jardin d'Hyères qui deviendra le lycée Jean Aicard.
La plaine et une partie des coteaux sont couverts de cultures maraîchères et apparaît l'une des toutes premières installations d'arrosage par canons. Sept hectares de rizières furent mis en place avec succès, par contre des cultures de datura et d'arachides n'eurent que peu de débouchés commerciaux. Une station de triage, d'emballage et d'expédition des fruits et légumes est créée sur le domaine qui emploie près de cent personnes.
Mais les années passent, les dettes de Bernard n'ont pu être remboursées par ses enfants, et le vignoble n'est toujours pas renouvelé.
En 1963, les frères et soeurs associés dont Hubert est le gérant se trouvent avec une cave dont les installations doivent être rénovées, un vignoble de 83 hectares mais de 25 ans d'âge moyen, des arbres fruitiers dont la culture devient de moins en moins rentable, pas de matériel du tout, pas de fond de roulement, des dettes importantes à payer.
La vente de deux parcelles à terre à Hyères efface les dettes, le crédit agricole fait le reste.
Entre 1963 et 1970, les cultures maraîchères sont progressivement abandonnées par Hubert au profit du blé, moins aléatoire et moins gourmand en main d'oeuvre et matériel. La cave et le matériel sont rénovés. 17 hectares environ de vignes sont replantés, l'âge moyen du vignoble étant redescendu à 21 ans pour une superficie de 119 hectares.
En 1971, constatation est faite, qu'à peu de chose près, le prix du vin vendu au négoce est le même que vingt ans auparavant, alors que les charges ne cessent d'augmenter. Il est donc décidé d'arracher 35 hectares de très vieilles vignes, et de se lancer dans la commercialisation directe du vin. Pour cela, Hubert dût aménager une petite cave avec 200 Hl de foudres en bois, et surtout réaliser l'installation de la mise en bouteilles. Les résultats furent encourageants puisqu'en 1975 la totalité de la récolte ne suffisait plus à satisfaire la clientèle.
Un programme plus vaste d'investissements fut alors étudié par le centre de gestion et accepté par le Crédit Agricole. Il prévoit l'augmentation de capacité de la cave qui serait portée de 14000 Hl à 18000 Hl, ainsi que l'achat de matériel et un calendrier d'arrachages et de replantations de vignes, qui porterait le vignoble de 1983 à 125 hectares, et la récolte à 9000 Hl.
En 1976, le vignoble comprend 119 hectares dont 90 en production, et l'âge moyen est de 20 ans. Il produit 6500 Hl, soit 72 Hl à l'hectare, la moyenne départementale se situant aux alentours de 46 Hl à l'hectare.


L'ensemble du texte ci dessus a été retranscrit avec l'aimable autorisation de Mme de DAVID-BEAUREGARD à partir d'un document original en sa possession. Je la remercie beaucoup pour cette collaboration qui permet à chacun de nous de mieux connnaître les difficultés et les aléas rencontrées dans la gestion d'un vaste domaine agricole.